Mémoire
présenté à la
Commission des États généraux
sur l'éducation du Québec
Déposé le 11 août 1995 et
présenté le 28 août 1995 au
Complexe Desjardins
Résumé
Dans ce mémoire,
l'Association pour la recherche au collégial
fait état du potentiel et de l'expertise
en recherche des collèges. Elle en attribue
les succès au modèle de la recherche
qu'on retrouve au collégial, notamment
quant au caractère libre des activités
de recherche, quant à l'accessibilité
aux programmes des organismes subventionnaires
et quant à l'existence d'une banque de
postes en recherche protégée par
les conventions collectives des enseignants.
Par ailleurs,
le mémoire insiste sur les limites actuelles
de ce modèle qui fait reposer l'entière
responsabilité de l'activité de
recherche sur les épaules des chercheurs
eux-mêmes et plaide en faveur de son assouplissement,
en demandant que des ressources soient attribuées
pour la préparation des demandes de subvention
ainsi que pour le développement des infrastructures
de recherche dans les collèges.
Enfin, l'Association
demande à la Commission de se pencher sur
les moyens d'accroître le financement de
la recherche au collégial et propose, à
cet effet, d'accroître significativement
le nombre de postes dans la banque actuellement
prévue pour pourvoir au remplacement des
chercheurs dans leurs tâches régulières.
Diverses indications sont apportées quant
à la nécessité de procéder
actuellement à l'accroissement de ce nombre
de postes, en référence particulièrement
aux besoins d'ajouter de nouveaux centres collégiaux
de transfert de technologie, de procéder
plus rigoureusement à l'évaluation
des programmes d'études et de relier les
chercheurs des collèges au réseau
Internet.
Mesdames et messieurs
les commissaires,
Permettez-nous, avant de vous faire
part de nos réflexions et de nos recommandations
concernant l'orientation et le développement
de la recherche au collégial, de vous parler
brièvement de l'Association que nous représentons
ici, devant vous, aujourd'hui.
L'ARC est une association qui existe
depuis 1987 et qui est vouée à la
promotion de la recherche au collégial.
Elle compte présentement plus de 250 membres,
en provenance de presque tous les collèges
publics et privés du Québec, de
même que des milieux de la recherche universitaire,
des centres de recherche, des organismes subventionnaires,
des syndicats, des ministères provinciaux
et de l'entreprise privée.
L'ARC est avant tout un lieu de
promotion de la recherche auprès du personnel
des collèges, en même temps qu'un
lieu de formation à la recherche. Parmi
ses principales activités, on note la remise
de prix d'excellence en recherche, l'organisation
d'un colloque annuel ainsi que la tenue de séminaires
de formation en méthodologie et en traitement
des données.
Ainsi, cette année, l'ARC
s'est associée à l'IREQ et Hydro-Québec
pour créer un prix annuel d'encouragement
à la diffusion des résultats de
recherche dans le domaine de la recherche-développement
technologique. Ce prix a suscité une très
forte participation de la part des collèges,
et les membres du jury ont eu fort à faire
pour choisir leur lauréat parmi la dizaine
de projets qui avaient été présentés.
C'est finalement CERFO, le Centre d'enseignement
et de recherche en foresterie du Collège
de Sainte-Foy, qui s'est mérité
ce prix pour des travaux de recherche conduits
sur le reboisement en forêt. Par ailleurs,
lors de son colloque annuel, tenu cette année
au Collège de Jonquière en synchronicité
avec le Congrès de l'ACFAS, plus d'une
soixantaine de conférences scientifiques
ont été présentées
par des chercheurs de collèges. Les thèmes
abordés lors de ces conférences
couvraient un spectre considérablement
large de sujets, allant de la réussite
scolaire au collégial à la réfection
des ponts en matériaux composites, en passant
par l'interculturel et l'intégration sociale
des handicapés. L'ARC y a aussi invité
ses 200 participants à débattre
des moyens d'intégrer la recherche au collégial
au réseau Internet ainsi qu'aux autres
réseaux électroniques de diffusion
et de communication des connaissances.
Enfin, au cours de cette année,
l'ARC a organisé, avec le soutien de la
Direction générale de l'enseignement
collégial, plus de 30 séminaires
de formation en méthodologie de la recherche.
Ces sessions de formation ont attiré plus
de 400 enseignants et professionnels des collèges
publics et privés. Inspirées de
la formule des séminaires de doctorat,
ces séances de formation s'adressent à
ceux qui désirent présenter des
demandes de subvention ainsi qu'à ceux
qui veulent perfectionner les approches méthodologiques
dans la réalisation de leurs projets de
recherche.
Cette brève présentation
de l'Association pour la recherche au collégial
conduit au constat qu'il se fait beaucoup de recherche
dans les collèges québécois
et que si l'ARC existe, c'est parce qu'il y a
des chercheurs dans les collèges. C'est
donc en leur nom que nous désirons aujourd'hui
nous adresser à la Commission.
L'essentiel du mémoire que
nous vous présentons porte sur l'expertise
des collèges en recherche et tend à
montrer que la société québécoise
n'a pas les moyens de se dispenser d'un tel potentiel
scientifique. Le mémoire entend également
mettre en valeur le modèle organisationnel
de la recherche au collégial, tout en plaidant
en faveur de certaines améliorations dans
les infrastructures ainsi que dans le financement
des travaux de recherche.
Statut juridique de la recherche
au collégial
Signalons, tout d'abord, que la
recherche a toujours fait partie des pratiques
et des préoccupations du réseau
collégial et ce, dès la création
des cégeps, il y a déjà près
d'une trentaine d'années. Ainsi, la mise
en oeuvre du nouvel ordre d'enseignement que représentaient
les cégeps, avait nécessité
de multiples travaux de recherche sur la pédagogie
collégiale dont, entre autres, sur le curriculum,
les méthodes d'enseignement, les techniques
d'apprentissages, les habiletés psychopédagogiques
des enseignants et les relations élèves-professeurs.
Ces recherches avaient été rendues
nécessaires par le fait qu'il n'existait
pas, à cette époque, dans le réseau
universitaire québécois d'équipes
de recherche spécialisées en enseignement
postsecondaire.
Le dynamisme de ces premiers travaux
de recherche avait surpris par son ampleur et
par sa fécondité. Diverses évaluations
entreprises au cours des premières années
d'existence de ce nouvel ordre d'enseignement,
tant par le Ministère de l'éducation,
la Direction générale de l'enseignement
collégial, feu le Conseil des collèges
et le Conseil supérieur de l'éducation,
avaient tôt fait de dégager l'utilité
et la valeur de ces travaux de recherche. Ils
le firent tant et si bien que, dès 1971,
le Ministère procéda à la
création d'un premier programme de subvention
à la recherche et à l'innovation
pédagogique s'adressant exclusivement aux
chercheurs des collèges. Ce programme a
connu diverses transformations au fil des ans,
mais il est toujours en vigueur, 25 années
plus tard, et sa fécondité est telle
qu'il aura permis, à ce jour, de réaliser
près d'un millier de projets de recherche
et de développement pédagogiques.
Par ailleurs, en 1978, dans la foulée
des réflexions accompagnant le premier
référendum sur l'avenir de la société
québécoise, le Gouvernement d'alors,
par l'entremise de son ministre de l'éducation,
invitait formellement les collèges à
s'engager dans des activités favorisant
le développement technologique, économique
et industriel du Québec. Dans son Livre
blanc de 1978, Les collèges du Québec
- Nouvelle étape, le Ministère avançait
tout un train de mesures favorables au développement
des activités de recherche dans les collèges,
notamment dans les volets de la recherche technologique,
disciplinaire et fondamentale. Le Livre blanc
y proposait alors la création de centres
collégiaux de transfert de technologie,
sous le vocable de centres spécialisés,
et demandait au Fonds FCAR (alors le FCAC) d'accueillir
les chercheurs de collèges dans ses divers
programmes de subvention.
Les mesures annoncées dans
le Livre blanc se sont concrétisées
dans les quelques années qui suivirent.
L'engouement des collèges pour la recherche
technologique fut tel que, déjà
avant la fin des années 80, une douzaine
de centres collégiaux de transfert de technologie
avaient fait leur apparition. Ils furent suivis
par une demie douzaine d'autres au cours des années
90, de telle sorte qu'aujourd'hui, on en trouve
dans presque toutes les régions administratives
du Québec, avec mandat de conduire des
travaux de recherche-développement en partenariat
avec les entreprises régionales. La contribution
des centres collégiaux de transfert de
technologie au développement de la société
québécoise a pleinement été
mise en évidence lors de l'évaluation
publiée en 1994. Leur rôle dans le
développement régional ainsi que
leur soutien à la petite et à la
moyenne entreprise y ont été soulignés
avec emphase.
D'autre part, en 1987, le Ministère
procéda à la création d'un
programme de recherche-développement technologique,
par lequel il invitait les collèges et
les entreprises à s'associer financièrement
et à former des partenariats en recherche.
Aujourd'hui, après moins d'une dizaine
d'années d'existence, ce programme aura
permis la réalisation de plus de 300 projets
de recherche-développement, dont la quasi
totalité visaient directement à
accroître la compétitivité
industrielle et économique d'entreprises
québécoises et à maintenir,
sinon à créer des emplois. Les projets
retenus ont même permis, dans plusieurs
secteurs industriels, de faire des percées
sur la scène internationale et de mettre
en place de nombreux projets de coopération
internationale, projets dont le Québec
a toutes les raisons d'être fiers. Ce fut
notamment le cas dans les domaines de la métallurgie,
de l'électrochimie, des textiles, de la
robotique et de l'ordinique, des composites et
des technologies physiques, pour ne mentionner
que ceux-là.
De son côté, la recherche
fondamentale et disciplinaire n'a pas tardé
à emboîter le pas et à participer
à ce climat d'effervescence. Forts de l'appui
du Livre blanc, ainsi que d'un avis favorable
émis au début des années
80 par le Conseil québécois de la
politique scientifique du Québec, les collèges,
en concertation avec le Fonds FCAR, mirent en
place un programme de subvention à la recherche
libre, disciplinaire et fondamentale que le Fonds
allait gérer lui-même. De plus, le
Fonds entreprit d'ouvrir ses autres programmes
aux chercheurs de collèges en les incitant
fortement à s'intégrer aux équipes
universitaires. Ces programmes connurent également
un grand succès puisque, à ce jour,
plus de 300 projets de recherche fondamentale
et disciplinaires ont été réalisés
par des chercheurs de collèges, sans compter
ceux auxquels ils ont participé avec leurs
collègues des universités.
Il s'agit là, vous l'aurez
constaté, d'un bilan fort éloquent.
Depuis ses 28 années d'existence, le réseau
collégial aura ainsi contribué à
la réalisation de plus de 1500 projets
de recherche subventionnés, sans compter
tous les projets initiés par les collèges
eux-mêmes, ni ceux qui ont fait l'objet
de subventions privées en provenance des
milieux industriels et commerciaux.
Une telle contribution ne pouvait
pas passer inaperçue. C'est sans doute
pour cette raison que l'état consentit,
en 1993, à modifier la Loi des collèges
et à y inscrire nommément les activités
de recherche dans la définition même
de la mission éducative des collèges.
Selon les termes mêmes de
la nouvelle Loi des collèges, tel qu'on
peut le lire à l'article 6.01a, les collèges
peuvent désormais:
contribuer, par des activités
de formation de la main-d'oeuvre, de recherche
appliquée, d'aide technique à l'entreprise
et d'information, à l'élaboration
et à la réalisation de projets d'innovation
technologique, à l'implantation de technologies
nouvelles et à leur diffusion, ainsi qu'au
développement de la région;
Cette inscription du mandat de recherche
dans la Loi des collèges apporte une reconnaissance
légale et juridique à des activités
qui ont, comme nous le soulignions antérieurement,
toujours fait partie de la vie des collèges.
Elle confère un caractère de légitimé
à des activités que le personnel
des collèges pratiquaient depuis la création
des cégeps, tout en apportant une reconnaissance
officielle à leur dynamisme et à
leur productivité. Cette reconnaissance
officielle ne peut qu'insuffler un élan
nouveau aux activités de recherche et leur
conférer un dynamisme encore plus grand.
Il importe donc, au moment où
la société québécoise
s'interroge sur l'avenir de son système
éducatif, que la Commission des états
généraux sur l'éducation
reconnaisse d'emblée l'expertise des collèges
en recherche et qu'elle propose à l'État
des moyens de consolider et de faire fructifier
cet important potentiel scientifique et technologique.
Le modèle
organisationnel de la recherche au collégial
Parmi les raisons qui expliquent
le développement rapide et soutenu de la
recherche au collégial, il faut insister
sur le caractère spécifique de son
modèle organisationnel. Selon ce modèle,
la recherche au collégial est une activité
libre et non obligatoire, qui repose entièrement
sur une volonté personnelle de faire de
la recherche. La recherche fait ainsi partie des
tâches possibles que peut accomplir le personnel
des collèges, mais elle n'est pas obligatoire.
Comme chacun le sait, l'ordre collégial
est fondamentalement un lieu d'enseignement. Il
n'y a pas, en soi, de temps alloué dans
la tâche de son personnel pour des activités
de recherche, comme cela se voit dans les universités,
les ministères et les centres de recherche.
Au collégial, on est d'abord là
pour assurer l'enseignement. La recherche devient
donc une activité que l'on ne peut exercer
que si on parvient à se faire dégager
de ses tâches habituelles. A cette condition,
seuls ceux qui conçoivent des projets mobilisateurs
et stimulants pour leur développement personnel
ou pour leur engagement professionnel ou communautaire
s'engagent dans des projets de recherche.
Ce caractère libre de la
recherche au collégial exige, par contre,
que le chercheur obtienne une subvention de recherche
de la part d'un organisme subventionnaire afin
d'être dégagé de ses tâches
régulières. Les possibilités
sont, à cet égard, relativement
nombreuses. Au fil des années, comme nous
le mentionnions antérieurement, le Ministère
a doté lui-même le réseau
collégial de programmes de subvention à
la recherche pédagogique, technologique,
fondamentale et disciplinaire. À ces programmes
ministériels se sont ajoutés ceux
d'autres ministères qui, comme le Ministère
de la Santé et des Affaires sociales ainsi
que le Ministère de l'Industrie et du Commerce,
ont compris l'importance d'ouvrir leurs programmes
aux chercheurs des collèges. Puis, sont
devenus accessibles les programmes du Gouvernement
fédéral, auxquels les chercheurs
de collèges soumettent des projets en plus
grand nombre, ainsi que les contrats des entreprises
privées, principalement en recherche-développement.
Bon an mal an, près de 200
chercheurs de collèges réussissent
ensemble à décrocher plus de 10
Millions $ en subventions de recherche. Le Ministère,
à lui seul, contribue pour près
de la moitié de ce montant, l'autre moitié
se partageant entre les autres ministères
provinciaux et fédéraux ainsi que
les entreprises. Il s'agit là d'un apport
vital pour les chercheurs de collèges qui,
comme nous venons de le mentionner, doivent obligatoirement
obtenir de telles subventions s'ils désirent
réaliser des travaux de recherche.
On ne saurait trop insister sur
les vertus de ce recours aux organismes subventionnaires
pour assurer le financement de la recherche au
collégial. Une telle contrainte permet
de ne financer que les meilleurs projets et assure
ainsi que les fonds investis en recherche encourront
les retombées les plus abondantes possibles.
On garantit ainsi la qualité des projets
tout en évitant la dilapidation des ressources
financières.
La banque des
150
Dès qu'un projet de recherche
est retenu par un organisme subventionnaire, le
chercheur devient donc admissible à un
dégagement de ses tâches régulières.
Ce dégagement est automatique pour les
enseignants si la subvention contient des ressources
financières pour assurer leur remplacement.
Dans ce cas, le remplacement est garanti par diverses
clauses des conventions collectives de travail.
Dans le cas du personnel professionnel non enseignant,
la situation est différente. Bien que dans
l'ensemble, le remplacement soit également
automatique, il n'y a rien de prévu à
l'intérieur des conventions collectives
de travail pour lui garantir son accès
aux activités de recherche. Pourtant, c'est
ce personnel qui doit assumer, la plupart du temps,
l'encadrement et le soutien des projets de recherche
dans les collèges. L'ARC est d'avis qu'il
y a lieu maintenant de reconnaître officiellement
aux professionnels non enseignant le statut de
chercheur et de leur offrir des garanties conventionnelles.
Pour faciliter le remplacement des
enseignants dans leurs tâches régulières,
le réseau collégial s'est doté,
à partir de 1983, d'une banque de postes,
qu'on appelle dans le jargon collégial
«la banque des 150». Cette banque
contient l'équivalent de 150 postes disponibles
dans le réseau collégial pour faciliter
la réalisation d'activités connexes
à l'enseignement. Environ 130 de ces postes
sont alloués annuellement aux chercheurs
des collèges. Une partie d'entre eux, toutefois,
sert à assurer le fonctionnement des centres
collégiaux de transfert de technologie,
le reste étant distribué selon des
quotas historiques entre la recherche pédagogique,
la recherche technologique et la recherche fondamentale
et disciplinaire. La plupart de ces postes sont
octroyés par les programmes ministériels
qui les incluent dans les subventions de recherche
qu'ils attribuent, les dégagements faisant
ainsi partie intégrante de leur financement.
On en conserve néanmoins un certain nombre
pour les chercheurs qui sont subventionnés
par des programmes externes, entre autres, par
les programmes des autres ministères ou
par les programmes fédéraux.
Parmi ses autres caractéristiques,
on doit souligner que cette banque des 150 est
protégée actuellement par les conventions
collectives des enseignants et qu'elle est gérée
par le Ministère en concertation avec les
collèges. Elle ne peut donc pas, à
l'heure actuelle, être abrogée, modifiée
ou diminuée, sans le consentement mutuel
des enseignants, représentés par
leurs syndicats, et de la partie patronale, représentée
par le Ministère et la Fédération
des cégeps.
Il s'agit là d'une protection
indispensable et l'ARC est d'avis qu'il faut la
maintenir à tout prix tout en pensant qu'on
devrait même l'élargir pour la rendre
accessible au personnel non enseignant.
Dans la mécanique de la recherche
au collégial, l'importance de cette banque
de postes ne saurait être trop soulignée.
Elle a permis l'attribution automatique de postes
dans les centres collégiaux de transfert
de technologie, assurant du même coup à
plus long terme, leur existence et leur fonctionnement.
Elle a, de plus, facilité l'attribution
de subventions en recherche fondamentale et disciplinaire
en permettant au Fonds FCAR de compter sur un
nombre précis de postes annuels à
distribuer entre les chercheurs des collèges
dans ses divers programmes. Elle a aussi permis
aux autres organismes subventionnaires d'attribuer
leurs subvention en tenant compte de la part de
recherche requise, sans égard aux différences
de salaires entre les chercheurs.
L'ARC est donc d'avis que, compte
tenu de l'importance que joue la banque des 150
dans le développement de la recherche au
collégial, il faut à tout prix en
maintenir l'existence, lui conserver son caractère
conventionnel et en garder substantiellement les
règles actuelles de répartition
entre les volets de la recherche pédagogique,
technologique et fondamentale.
Limites du
modèle actuel
Le modèle collégial
de recherche est très fécond et
a permis la remarquable productivité dont
nous avons fait état dans la première
partie de notre mémoire. Il a cependant
ses limites, limites qui pourraient être
repoussées si on lui apportait certains
ajustements.
On aura sans doute remarqué
que le modèle que nous venons de décrire
fait reposer la grande partie des activités
de recherche sur les épaules des chercheurs
eux-mêmes. Ce sont eux qui, à travers
leurs tâches habituelles, doivent prendre
l'initiative de préparer les projets, en
assurer la documentation et la qualité
méthodologique et entreprendre les démarches
auprès des organismes subventionnaires
dans le but de faire financer leurs projets. Il
n'est pas rare que, devant pareille tâche,
plusieurs soient portés à refuser
de s'engager en recherche, même s'ils disposent
de toutes les habiletés requises. Il n'est
pas rare, non plus, de voir des chercheurs expérimentés
abandonner des travaux de recherche, parce qu'au
terme de leurs subventions actuelles, ils ne trouvent
plus l'énergie nécessaire, lorsqu'ils
reviennent à leurs tâches régulières
d'enseignement, de préparer d'autres demandes
de subvention.
Ainsi, dans le modèle de
la recherche au collégial, tel qu'il existe
actuellement, il paraît manquer un rouage
important, celui du financement de la préparation
des demandes de subvention. Un tel financement
a de longue date été demandé
par les chercheurs de collèges, mais on
ne semble pas avoir encore trouvé la formule
qui permettrait d'aider les chercheurs à
cette étape de leurs projets, sans encourir
le risque d'engloutir des sommes importantes dans
des projets inutiles et sans valeur. L'ARC est
d'avis qu'on pourrait limiter grandement de tels
risques en expérimentant un tel programme
d'aide auprès des chercheurs qui ont déjà
fait leurs preuves et qui ont déjà
bénéficié d'une première
subvention de recherche. On se trouverait ainsi
à laisser entièrement l'initiative
de la première subvention aux chercheurs
potentiels, mais on augmenterait significativement
la persistance en recherche chez ceux dont les
projets sont arrivés à terme. Un
tel programme d'aide permettrait également
d'assurer la survie de certaines équipes
de recherche qui doivent réaliser plusieurs
projets de front et dont certains projets arrivent
à échéance. Dans ce dernier
cas, l'aide à la préparation de
nouvelles demandes de subvention favoriserait
la consolidation de telles équipes.
En somme, l'ARC est d'avis que le
modèle de la recherche au collégial
est très productif dans sa forme actuelle,
mais que pour consolider davantage le potentiel
de recherche des collèges, il faudrait
le modifier en constituant un programme d'aide
à la préparation des projets ainsi
qu'à la demande de financement auprès
des organismes subventionnaires.
Les infrastructures
de recherche dans les collèges
Outre cette première limite
au modèle de recherche au collégial,
l'ARC désire attirer l'attention de la
Commission sur une autre faille importante, relativement
à la fragilité et à la précarité
des infrastructures de recherche dans les collèges.
La recherche au collégial, comme nous l'avons
dit à maintes reprises, a été
très féconde et très productive.
Mais cette fécondité a, en grande
partie, été redevable à l'initiative
même des chercheurs ainsi qu'à l'efficacité
des infrastructures nationales telles qu'on peut
les trouver dans les conventions collectives des
enseignants, dans les programmes de subvention
ministériels ainsi que dans l'existence
d'une banque de postes permettant le dégagement
des tâches d'enseignement. Mais le véritable
nerf de la recherche se trouve d'abord et avant
tout dans chacun des collèges. C'est surtout
dans son propre collège que le chercheur
peut bénéficier d'un environnement
favorable à la recherche et y recevoir
l'aide et le soutien dont il a besoin pour accomplir
ses travaux de recherche. C'est là qu'il
peut compter sur le soutien et l'encadrement de
professionnels compétents, reconnus et
expérimentés en recherche, de même
que sur des services spécialisés
de secrétariat, sur un support informatique
approprié, sur des compétences en
analyse et en traitement de données ainsi
que sur des services d'édition et de publication.
Dans l'état actuel des choses,
quelques collèges peuvent mettre de telles
infrastructures à la disposition de leurs
chercheurs, mais il en est encore un certain nombre
chez qui de tels services n'existent pas. Par
ailleurs, des collèges ont su créer
un véritable environnement de recherche,
en se dotant d'un service de recherche avec cadres
et professionnels expérimentés,
d'une politique de recherche, de programmes locaux
d'encouragement à la recherche et même
d'une association locale de chercheurs. Dans leur
cas, on peut s'en douter, leur productivité
en recherche est reconnue par les réseaux
collégial et universitaire. On observe
aussi qu'ils comptent parmi les collèges
dont la tradition en recherche est la plus solide
et la mieux enracinée.
Ce n'est hélas pas là
le cas de la majorité des collèges.
Dans plus des trois-quarts des cas, le professionnel
affecté à l'encadrement de la recherche
doit partager cette tâche, entre autres,
avec celle du perfectionnement des maîtres,
l'évaluation des programme d'études
et le soutien psycho-pédagogique aux enseignants.
Quelques collèges arrivent malgré
tout à obtenir des subventions et à
produire d'intéressantes réalisations
de recherche. Mais, en général,
on observe une étroite relation entre la
performance des collèges en recherche et
l'importance de leurs infrastructures de recherche.
À cet égard, l'ARC
est d'avis que la situation pourrait grandement
s'améliorer si les collèges recevaient
un financement spécifique pour leurs infrastructures
de recherche et si ce financement se faisait à
partir d'une enveloppe protégée
non transférable dans les autres services
financiers.
De plus, au moins un poste protégé
de professionnel attitré au soutien et
à l'encadrement de la recherche devrait
être assuré dans chacun des collèges.
Accroître
le financement des activités de recherche
En terminant ce mémoire,
il est de bon aloi pour l'Association qui représente
les chercheurs des collèges, de demander
à la Commission d'être attentive
aux moyens proposés dans le but d'accroître
le financement des activités de recherche
au collégial. Jusqu'à maintenant,
la recherche a toujours fait bon usage des sommes
qui lui avaient été consenties.
Le modèle de la recherche au collégial
assure une efficacité presque à
toute épreuve quant à la qualité
des projets qui sont subventionnés. Il
est donc dans l'ordre des choses de penser qu'on
pourrait tirer davantage profit du potentiel de
recherche des collèges en accroissant son
financement.
La banque des 150, décrite
précédemment, est à ce titre
le rouage qui pourrait le mieux servir au développement
des activités de recherche si le nombre
des postes attitrés à la recherche
y était augmenté. Cet accroissement
est actuellement rendu nécessaire compte
tenu du développement rapide du volet de
recherche technologique. En quelques années
à peine, ce volet s'est accaparé
à lui seul près de la moitié
des postes. Auparavant, son développement
a été assuré par la récupération
en recherche de postes qui étaient attribués
au recyclage des enseignants. Mais aujourd'hui,
cette mesure ne peut plus être utilisée.
Pour créer de nouveaux centres collégiaux
de transfert de technologie, par exemple, il faudrait
ajouter plus d'une douzaine de postes dans la
banque des 150.
En outre, rappelons que le fonds
FCAR disposait antérieurement d'une dizaine
de postes de plus pour assurer le financement
des travaux de recherches disciplinaires et fondamentales
des chercheurs de collèges. Or, déjà
à cette époque, les rapports annuels
du Fonds FCAR adressés à la DGEC
indiquaient un manque de ressources pour financer
tous les projets retenus par les comités
d'évaluation. Cette situation perdure aujourd'hui
et s'est grandement aggravée par l'accroissement
du potentiel des collèges dans ce volet
de recherche. L'insuffisance du financement fait
donc en sorte que des chercheurs de collèges
ne peuvent pas faire partie d'équipes universitaires
même s'ils en ont toutes les qualités
requises. Ainsi, de plus en plus de détenteurs
de doctorats ne peuvent plus poursuivre des activités
de recherche parce qu'ils enseignent ou travaillent
à l'ordre collégial.
L'accroissement du nombre de postes
en recherche dans la banque des 150 n'est pas
une demande nouvelle. Déjà, en 1986,
quelques années à peine après
l'institution de cette banque, la Fédération
des cégeps estimait à 150 le nombre
de postes nécessaires pour pourvoir alors
aux besoins des chercheurs des collèges.
Or, il n'y avait à cette époque
que six centres collégiaux de transfert
de technologie et le programme de subvention à
la recherche technologique n'avait pas encore
été mis en opération. Avec
le recul, on se doit d'admettre que si l'on avait
tenu compte de la recommandation de la Fédération
des cégeps, des centres collégiaux
de transfert de technologie auraient probablement
vu le jour plus rapidement et en plus grand nombre
tandis que les besoins du Fonds FCAR auraient
pu être mieux comblés. Ainsi, les
régions du Québec auraient pu bénéficier
plus amplement des retombées économiques
et industrielles associées à la
présence d'un centre collégial de
transfert technologique.
Par ailleurs, suite aux travaux
de la Commission parlementaire de 1993 sur l'enseignement
collégial et suite à la création
de la Commission d'évaluation de l'enseignement
collégial qui en est résultée,
de nouveaux besoins en recherche pédagogique
et en analyse institutionnelle sont apparus, pour
lesquels le réseau collégial nécessiterait
l'ajout d'un certain nombre de postes de recherche.
L'évaluation des programmes d'études
en est à ses début dans l'enseignement
collégial, du moins sous la forme rigoureuse
et systémique exigée par la Commission
d'évaluation, et il en est plusieurs pour
dire qu'une telle évaluation serait bien
servie si l'on disposait d'instruments validés
ainsi que de démarches méthodologiques
fiables. Il y a certes là un secteur de
recherche qui bénéficierait hors
de tout doute d'un ajout de postes dans la banque
des 150.
Enfin, les nouvelles technologies
de l'information et des communications électroniques,
le réseau Internet en l'occurrence, exigeront
d'ici peu l'injection de ressources importantes
de la part de l'État québécois
pour que le Québec puisse battre au rythme
du reste du monde. Nous pensons qu'il y a là
une terre propice à l'éclosion du
potentiel scientifique des collèges. Les
chercheurs des collèges ont, parmi la communauté
scientifique québécoise, toujours
su manifester des talents particuliers pour la
communication et la vulgarisation scientifique.
Il serait judicieux de penser à eux dans
l'effort que souhaite entreprendre le Gouvernement
pour s'inscrire dans les réseaux électroniques
modernes de diffusion des connaissances. Les chercheurs
de collèges ont, à ce jour, produit
plus de 1500 rapports de recherche. Que voilà
un bon point de départ pour intégrer
le Québec à la communauté
scientifique internationale, bien que cette mesure
ne sera elle-même réalisable que
si les ressources allouées au financement
des activités de recherche sont substantiellement
augmentées.
Permettez-nous en terminant, mesdames
et messieurs les commissaires, de vous remercier
de votre bienveillante attention et de vous assurer
de notre entière collaboration dans le
développement de la recherche au collégial.
Gilles Raîche, Président
de l'A.R.C., Robert Ducharme, Conseiller de l'A.R.C.,
Michelle Lauzon, trésorière de l'A.R.C.
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